9-17 septembre 2019

Ours, Amour, Fées, Montagnes, Lacs, Cascades, Dragons & Gens au menu de cet épisode…

Encore de vastes débats sur le lieu de destination pour les seconds congés de l’année. Comme j’allais partir en solitaire, aucun coût n’allait être divisé, que ce soit pour les hôtels ou la location de la voiture. Pour ne pas dépasser le budget fixé, et pour éviter 15 x 2 heures de transports pour une semaine de vacances, l’Europe fut donc privilégiée. La Croatie proposant des voitures à 100 euros la semaine, banco ! Ce pays étant particulièrement à la mode pour le tourisme, cette décision m’a surprise moi-même (après le Kirghizistan l’an dernier…), mais je me suis dit que ce serait vivable en septembre. Et puis zut, je ne vais pas m’interdire de beaux pays simplement parce qu’ils sont à la mode.

Mise en garde : ce compte-rendu comporte des paragraphes hautement culturels susceptibles de heurter la sensibilité des visiteurs.

Sommaire

 

A travers la réalisation de cette carte, on le sent encore un peu, le prof d’Histoire-géo, non ?

 

 

Quelques remarques générales sur la Croatie avant le compte-rendu jour par jour :
  • Contrairement à ce que l’on entend ici et là, les Croates ne sont pas particulièrement polis. En effet, ils persistent à baragouiner des langages totalement incompréhensibles, à savoir le Croate et l’Anglais. J’ai donc appliqué mon astuce habituelle consistant à répondre « Yes » ou « Ok » à chaque question, et cela s’est globalement bien passé.
  • La monnaie est la kuna, 1 euro valant environ 7,40 kunas.

    Classes, ces piécettes !

    L’idéal est d’aller dans le pays avec des euros et de les faire changer dans les bureaux de change qui n’arnaquent pas (donc pas à l’aéroport, ni dans les bureaux de change qui CACHENT le taux sous un polystyrène et retirent le cache quand tu sors ton billet, j’ai eu le coup sur une aire d’autoroute de Zagreb…). Sinon on peut facilement payer en euros (mais les commerçants se font parfois plaisir), ou utiliser sa CB (il faut voir les conditions de sa banque).

  • Ici, il faut rouler à 30km/h pendant environ 2 kilomètres. MAIS WHY ? BANDE DE TARÉS !

    Le réseau routier est bien entretenu, les routes sont au moins aussi belles qu’en France, sauf peut-être dans les campagnes très paumées où j’ai fait quelques incursions, loin des chemins touristiques. En revanche, leurs limitations de vitesse sont encore plus connes qu’en France (c’est dire !), et feraient fantasmer notre Premier Ministre. Officiellement, c’est 50 en agglomération, 90 sur les routes (désolé Edouard…) et 130 sur l’autoroute. SAUF quand une autre limitation est indiquée. Et alors là c’est la foire au n’importe quoi : les limitations changent tous les 100 mètres, parfois on comprend pourquoi, parfois absolument pas. La route tourne légèrement ? PAF ROULE A 40. Il y a des minuscules carrefours tous les 50 mètres ? PAF ROULE A 60. OH ET PUIS NON A 70 A CELUI-LA. Et on te dit pas jusque quand. Tiens un village. AH BEN ICI CE SERA 70 TANT PIS S’IL Y A DES SKÔLA PARTOUT. OH UN VIRAGE ALLEZ C’EST 30. TIENS ET ICI TU VAS ROULER A 50 PENDANT 3 KILOMÈTRES AHAH on sait pas pourquoi. Même sur la seule portion d’autoroute payante que j’ai empruntée je ne savais jamais à combien je devais rouler tellement ça changeait sans cesse. Résultat : tous les automobilistes ont lâché l’affaire et roulent normalement sans tenir compte des panneaux fous. De mon côté, j’ai tenté de suivre les indications (je me faisais donc tout le temps doubler), surtout qu’il y a des radars automatiques cachés sur les routes fréquentées.


J0 : Le départ de l’Enfer

Comme à chaque fois que je me retrouve dans un aéroport, je suis un peu stressé par les formalités du voyage et j’attends avec anxiété mes échanges avec des gens ne parlant pas français. J’arrive donc à Roissy très en avance. Je n’ai pas beaucoup préparé le voyage (que visiter ? Comment ? Dans quel ordre ?) mais je me suis fait une liste de points d’intérêt (villes, parcs nationaux). Ayant pu bénéficier d’un bagage enregistré à moindre coût, j’ai embarqué tente, duvet et autres affaires qui ne me serviront pas, puisque j’avais de toute façon la place. Je ne prévois pas de bivouaquer car d’après ce que j’ai lu sur internet, c’est strictement interdit, rigoureusement surveillé, durement sanctionné. Dommage…

Pour m’éviter du stress le jour de l’arrivée, j’ai en revanche réservé ma location de voiture et mon premier hôtel à 2km de l’aéroport. J’arrive donc au moins 2 heures en avance devant ma porte d’embarquement et apparaît sur les écrans : « DELAYED ».  👿 Un gus de Croatia Airlines commence à nous dire qu’il pourrait y avoir 4 heures de retard. Les Chinois s’énervent, je désespère. Finalement, on décollera avec « seulement » 2 heures de retard. Et là, catastrophe : je suis assis devant un bébé français qui sera en concurrence avec un bébé croate situé un peu plus loin pour obtenir le titre du bébé le plus chiant. Je crois qu’au final le Croate a gagné mais c’est un jugement subjectif.

Je décide donc officiellement de placer Croatia Airlines sur la liste noire des compagnies aériennes.

Bref, pire vol de ma vie, je suis blasé, j’ai mal au crâne et j’ai presque envie de rentrer chez moi. J’arrive à Zagreb après la fermeture du bureau de mon loueur de voiture, j’ai donc négocié avec l’agence française qui, complètement demeurée (GOLDCAR OUI C’EST VOUS), m’a fait payer plus cher pour prendre une autre voiture le lendemain à 13h (genre je peux pas prendre la voiture prévue le lendemain matin au lieu du soir, et payer le prix prévu, bande de tarés vous aussi !)… Et je paie 10 euros en plus l’hôtel du soir parce que je vais arriver en retard en dehors des horaires de la réception.  👿 ET EN PLUS QUAND J’ARRIVE ON ME PARLE EN ANGLAIS.

Heureusement, après une bonne nuit de sommeil, je me réveille de meilleure humeur, prêt à explorer ce pays tant à la mode.


J1 : Acclimatation dans la région de Zagreb

Grâce à Goldcar 🙄 , j’ai donc une matinée à ne rien faire dans le « magnifique » coin de l’aéroport de Zagreb. Je décide donc d’en profiter pour aller visiter la ville, ce qui n’était pas prévu. J’installe pour la première fois de ma vie l’application Uber, ce qui me permet de rejoindre rapidement le centre sans devoir demander des explications à des gens.

C’est une ville assez moderne, qui n’a par conséquent dans mon cas qu’un moindre intérêt. Comme sa visite n’était pas prévue, je suis peut-être passé à côté de quelque chose.

Le Guybus utilisé cette semaine. Je vais parcourir environ 1100 kilomètres.

Après avoir mangé un burger croate, je vais récupérer ma voiture à l’aéroport. Je ne trouve pas le bureau de Goldcar, je vais au point d’information de l’aéroport, je dis « Heu… Where is Goldcar plz? » et elle me répond en anglais. Bref je ne sais toujours pas où est Goldcar et il est 12h55, je commence à m’inquiéter vu que cette compagnie est un peu demeurée (je préfère le rappeler). Finalement, par chance, je tombe presque par hasard sur une navette Goldcar qui m’amène à leur dépôt. Résumé (certes exagéré…) de l’entretien :

– *in english* BLABLA BLABLABLABLA BLABLA, ok ?
– Heu ok..
– *in english* BLABLABLABLA BLABLA BLA, ok ?
– OK !
– *in english, en gros* Where do you plan to go?
– *MAIS JE SAIS DÉJÀ PAS OÙ JE VAIS EN FRANÇAIS ALORS QUE VEUX-TU QUE JE TE DISE EN BRITON !*

Bref, je finis par avoir ma voiture, un SUV Kia Sportage (à la base j’avais demandé une C1…) et je me rends au Nord de la ville, dans le Parc de Medvednica.

C’est une vaste forêt qui surplombe la capitale, avec des chemins de randonnée. Elle n’est visiblement pas très fréquentée par les touristes, je suis donc au calme dans la forêt, ce qui me permet de me remettre de mes émotions.

Trace GPS de la promenade : Lien Strava (12km, 650m+).

 

Vite familiarisé avec mon Guybus Kia (que je trouve extrêmement souple à conduire, mais il manque un peu de punch…), je prends la route en fin d’après-midi en direction du Nord-Ouest, à plus de deux heures de route, et j’arrive de nuit dans un coin paumé, bien content de ne pas avoir percuté de chevreuils, sangliers ou ours sur ces routes sinueuses dans la forêt (non parce que si je dois expliquer ça à Goldcar après, je préfère faire une fugue et vivre parmi les ours… qui ne voudront pas de moi vu que j’aurais blessé l’un des leurs… Bref ma vie serait foutue.)

 


J2 : Le Parc National de Risnjak

J’ouvre les volets et le ciel est très gris, les sommets sont dans le brouillard. Mon hôte affirme que le temps va se lever et que la journée va être très belle. Mais je suis un vrai Picard moi maintenant, on ne me la fait pas, je m’y connais en brouillard, ça va être plus compliqué que ça.

Je vais visiter mon premier parc national croate, celui de Risnjak. L’entrée est payante (45 kuna), comme celle de tous les parcs nationaux du pays. Quand j’arrive à la réception, un bus de collégiens hurleurs débarque. Malédiction. Heureusement, ils sont très rapidement semés.

Le début de la « randonnée » est très facile et se fait sur un chemin roulant à faible dénivelé. C’est plus abrupt au bout d’environ deux kilomètres. Des panneaux indiquent des travaux de recherche sur les ours, mais les bruits de tronçonneuses que j’entends me font penser que je ne suis pas prêt d’en croiser un qui oserait s’aventurer ici. Le parc tire par ailleurs son nom du lynx, et nous verrons bientôt pourquoi.

Selon un autre panneau, je passe sur une route commerciale stratégique remontant au moins aux époques des Romains et des Illyriens. Je passe aussi devant le « repaire de Marko », un homme venu s’installer ici en ermite après la mort de sa seconde femme. Il vécut reclus dans la forêt, connecté à la nature. Il apprivoisa un ours qu’il sauva d’un chasseur. Trois à quatre fois par an, il apportait des victuailles à sa famille, issues de sa chasse et de ses cueillettes.  Il mourut dans un camp italien durant la guerre en 1943.

Plus je monte, plus je suis dans le brouillard. Il commence même à faire froid, même pour moi. La fin de la montée est agrémentée de panneaux racontant une légende croate traduite en anglais (super, et pourquoi pas en zoulou ?). Je tente donc une traduction :

Il était interdit aux fées de tomber amoureuses des hommes. Si cela leur arrivait, la punition était terrible. Elles étaient exilées et n’étaient pas autorisées à garder leurs pouvoirs de fées. Malgré cela, des fées vinrent aux roches Vilinske, et regardèrent clandestinement si un homme pouvait apparaître et tomber amoureux d’elles. Chacune d’entre elle espérait trouver le grand amour. Le temps passait, et tout ce qui se passait à la Porte d’Argent était plus ou moins habituel, les fées, les plantes et les animaux vivaient en paix. Plus tard, attirés par la beauté de la forêt et des prairies, les gens sont arrivés dans ce paradis terrestre presque oublié.

Ils se sont d’abord demandés comment une telle beauté existait sur Terre, et quand ils réalisèrent que ce lieu leur offrait sa beauté et ses fruits en toute saison, ils décidèrent d’y rester pour toujours. Peut-être à cause des montagnes, ils nommèrent cet endroit Gorski Kotar, les habitants Goran (« homme de la montagne »), et les habitantes Goranke. Les nouveaux arrivants étaient d’honnêtes gens, si bien que la nature, les animaux, les oiseaux, les poissons, les forêts et les prairies connurent la joie et furent contents de rester là pour toujours. Longtemps, rien ne se passa. Les gens travaillaient, se mariaient, firent des enfants…

Puis un jour, un berger arriva. Il voulait amener son troupeau sur la montagne aux prairies luxuriantes. Quand il passa devant les rochers aux formes inhabituelles, qui semblaient lui dire de les visiter, quelque chose se dessinait dans la pierre, et son cœur était de plus en plus agité au fil des jours. Pour supprimer cet appel inhabituel, il passa le temps à nommer les forêts et les bosquets. Rapidement, les gens utilisèrent ces noms : Jelvina, Leska, Tisovac, Bukov, Smrekovac, Javorov.

Et ainsi, le temps passa. Un jour, le berger ne résista pas à l’appel. Il vit une femme qui jouait et dansait avec les nuages. Au moment où elle posa les yeux sur lui, elle tomba amoureuse, bien qu’elle sache que cet amour envers un homme était le pire péché dans le monde des fées. L’homme tomba également amoureux d’elle. La Mère des fées s’en rendit compte, prit une baguette magique et transforma la fée en une bête sauvage comme il n’en avait encore jamais existé dans la région. Elle fit d’elle un lynx et ensorcela son cœur de sorte qu’elle ne puisse plus jamais tomber amoureuse. Regardant la scène, voyant la Mère des fées punissant son amour, le jeune homme se transforma lui-même en lynx.

Quand les autres créatures de la forêt virent cela, elles s’éloignèrent toutes d’eux. Sans amis, sachant qu’ils ne pourraient plus jamais tomber amoureux, les deux chats sauvages vinrent se câliner sur la montagne, où ils vivent encore aujourd’hui. En mémoire de cet amour éternel, les Gorans nommèrent cette montagne Risnjak. Leur amour interdit est ancré dans les croyances jusqu’à nos jours. En hommage à cette beauté intacte et à cet amour interdit, ils proclamèrent Risnjak Parc National. Des lynx vivent toujours ici aujourd’hui, en couples. Dans la forêt sombre, vous les rencontrerez difficilement, comme le grand Amour.

Le refuge, peu animé…

C’est émouvant mais j’arrive au refuge en contrebas du sommet et le brouillard cache toute la vue. J’aperçois difficilement ces fameuses roches, c’est dommage, par temps clair, je serais sans doute tombé amoureux d’une fée croate. Le sommet n’étant même pas visible, je ne prends pas la peine de terminer l’ascension.

En redescendant par le chemin en balcon côté Nord, je bénéficie tout de même d’une vue intéressante. Je m’écarte alors un temps du sentier, appelé par des « rochers aux formes inhabituelles ». Sans doute pris en flagrant délit par la Mère des Fées, je sens mon cœur devenir pierre : je ne tomberai sans doute plus jamais amoureux. 😥 En fin d’après-midi, le temps commence à s’éclaircir, mais le sommet semble toujours sous les nuages.

Trace GPS : Lien Strava (17,2km, 900m+).

 

Le précipice du Loup, profond de 140 mètres. Son nom viendrait peut-être d’un loup tombé dedans et dont on entendait sortir les hurlements…

Petite peur du jour avec la voiture qui m’affiche l’alerte de pression des pneus, alors que je suis perdu au milieu de nulle part. Heureusement, on peut contrôler la pression aussi facilement qu’en France, dans toutes les stations essence.

Je reprends donc la route, direction l’aventure du J3. Je longe la côte et arrive à mon hôtel au bord de la mer, alors que le soleil se couche pour conclure la journée.


J3 : Le Parc National de Paklenica

Direction le Parc National de Paklenica (70 kuna avec le parking). On me promet des forêts naturelles de pins noirs, de hêtres, des prairies de montagne, deux canyons, et de la nature sauvage (site UNESCO + Natura 2000). C’est aussi le site d’escalade le plus connu de Croatie (500 parcours).

A 200 mètres du parc, je prends quelqu’un en stop, et il s’avère que c’est un Ch’ti résidant en République tchèque. Nous faisons les premiers kilomètres de la randonnée ensemble sur un terrain relativement peu exigeant, puis je pars en solitaire en direction des sommets, une randonnée sportive n’étant pas dans ses projets.

Je me rends compte que je n’ai pas vraiment à manger à part quelques cacahuètes (enfin, je crois que ce sont des cacahuètes, ce n’est pas le cas mais je ne suis pas encore au courant) et une pomme. Heureusement, grâce à la solidarité ch’tie, je dispose désormais en plus d’une petite barre de céréales pour mon copieux repas.

Comme souvent lors de mes randonnées, il y a pas mal de gens durant les premiers kilomètres, alors que le parking n’est pas encore trop loin et que le dénivelé est raisonnable. Mais plus je m’éloigne et plus je monte, plus j’ai la sensation d’être seul au monde dans les montagnes.

En chemin, mon GPS me rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, c’était la guerre ici… Très rassurant !

Je progresse vers le sommet Vaganski et je découvre à mes dépens le balisage « à la croatienne ». En fait, ils ont un unique système pour tout le pays : un rond blanc cerclé de rouge. Ce qui fait que si vous êtes sur un chemin, vous trouvez forcément cette balise. Que ce soit votre chemin ou pas. Conséquence : les balises ne servent à rien. Autre précision : une croix rouge ne signifie pas « CE N’EST PAS PAR LÀ » comme en France, mais « Vous approchez d’une intersection », ce qui pour le coup peut être utile.

Je ne prends donc pas vraiment le chemin que je pensais emprunter initialement mais qu’importe, c’est joli et j’ai mon GPS pour trouver des alternatives et atteindre le sommet.

Arrivé vers 1500 mètres, le temps devient gris, et petit à petit, je me retrouve une nouvelle fois dans le brouillard. Autant vous dire qu’à ce stade je ne croise plus personne. La météo n’est pas pour autant désagréable, par moment, le soleil tente une timide incursion à travers les nuages, la brume défile sous le vent, il fait frais.

J’arrive enfin vers le sommet où trône une croix, à 1757m d’altitude.

A côté de la croix : je regrette de ne pas avoir amené d’autocollant du Guybus !

Je ne m’éternise pas, la vue n’étant pas particulièrement effarante. Après m’être trompé de chemin (suis-je bête, j’ai suivi la balise blanche et rouge), je reprends ma route dans le bon sens, et j’arrive sur cette crête, prélude à la descente.

Sur la crête, le vent souffle vraiment très fort : j’ai failli laisser s’envoler mon téléphone en prenant cette vidéo. 500 mètres plus bas, c’est chaleur et soleil !

Rapidement, alors que je poursuis le chemin qui amorce la descente et le retour vers le Sud, le voile nuageux se veut moins dense. La vision change presque toutes les secondes tant le vent chasse et ramène nuages et brume. Il est ainsi très difficile de prendre des photos, mais entre deux vagues de nuages, j’aperçois au loin les canyons et, encore plus loin, la mer Adriatique et ses îles, alors que le soleil commence à descendre… Magnifique !

Au moins, c’est une photo que tous les touristes plagistes ne peuvent pas partager…

Mon « chemin », en contre-plongée…

Oui, « magnifique », mais si le soleil descend, je n’ai pas intérêt à traîner, je suis loin de la sortie du parc, et ma lampe frontale est restée à Laon.

Je suis plutôt en avance sur l’heure prévue mais ce qui m’inquiète, c’est la descente qui s’amorce. Je dois redescendre tout ce que j’ai monté (ça c’est logique), mais sur une distance beaucoup plus courte. Et sur les descentes raides, je suis extrêmement gauche, je dois utiliser mes mains, je glisse, j’ai le vertige, je n’avance pas.

Et c’est effectivement ce qui va se produire : au pire moment, j’avance à une allure de 1h30 pour 1 kilomètre. Il n’y a tout simplement pas de chemin, seulement des rochers et des cailloux sur lesquels je glisse comme si je faisais du ski… Ce qui m’étonne, c’est que les balises sont là, luisantes, et ce qui m’interpelle, c’est cette question : « qui a pu grimper ou descendre ici avec ses seaux et ses pinceaux ?  😆 ».

Je descends donc tant bien que mal, à l’allure ridicule d’un escargot. Mes seuls moments d’accélération sont quand je glisse sur les cailloux, m’enfonçant ainsi les chevilles dans la montagne, une forme de ski moderne post-réchauffement climatique (je m’entraîne pour le futur).

Un moment de grâce dans ma frayeur : ils suivent les balises, et avec beaucoup moins de difficultés que moi !

Laborieusement, je rejoins une forêt, la descente reste raide mais au moins un sentier réapparaît. Le soleil couchant affiche sur les parois des montagnes de jolies couleurs rosées.

Je me rends alors compte qu’il me reste pas loin de 10 kilomètres à parcourir et que le soleil faiblit de plus en plus. De plus, je descends au creux d’un canyon, la luminosité ne sera donc pas formidable. Il commence à faire sombre, puis c’est la nuit noire. Heureusement, je suis sur un chemin relativement facile à suivre, même si je m’en écarte involontairement durant quelques minutes, me retrouvant à faire de la petite escalade dans le noir et à agiter mes bâtons pour voir s’il y a du sol devant moi  :mrgreen: Les derniers kilomètres se feront sans encombre, à la lumière du téléphone. Ce soir, la pizza sera bien méritée !

Cette rando m’a rappelé de bons souvenirs : la randonnée dans le canyon dans le noir en Arizona avec l’épisode du puma, et la descente horrible du volcan islandais.

Trace GPS : Lien Strava (29,5km, 2270m+).


J4 : Visite de Zadar

Après la longue randonnée de la veille, le J4 est pensé comme une journée de repos, la visite de la vieille ville de Zadar. « Repos » est tout de même un bien grand mot puisque je vais déambuler dans les rues de la ville sans m’arrêter de marcher, hormis durant la pause fast-food.

N’ayant pas envie de payer un parking, je fais la bêtise de me garer à 3 km du centre à un grand centre commercial, me rajoutant donc 6 km de marche le long d’une route 2×2 voies, industrielle et commerciale. Ne faîtes donc pas ça : les parkings près du centre sont peu chers (comptez 1 euro par heure dans l’idée…) et il y a d’autres centres commerciaux un peu plus proches du centre si vous ne comptez pas payer.

Cité des Liburnes élevée au rang de colonie par les Romains, la ville possède encore de nombreuses traces de ces derniers, malgré les grosses destructions causées par les guerres du XXème siècle (en 1944 et en 1991 par l’armée yougoslave). Au gré des ruelles étroites, vous tomberez sur de nombreuses églises encore debout. Voici un échantillon :

 

Parmi les autres curiosités pour lesquelles je ne me suis pas attardé en raison de la densité extrême de la populace, l’orgue hydraulique, un des symboles de la ville. Il est invisible, pour y aller, vous suivez les gens  🙄 jusqu’à ce que vous entendiez de la musique jouée par les vagues…

Ne m’étant pas trop attardé parmi mes congénères, il me reste du temps et c’est tant mieux, j’ai pas mal de route pour rejoindre le parc national de demain. Je fais un petit crochet par le château médiéval de Benković, fondé au XVème siècle par un noble croate à la frontière entre l’Empire hongrois et la République de Venise. Rien d’extraordinaire à observer, d’autant plus qu’à cette heure il est fermé.


J5 : Le Parc National de Krka

BON, la ville c’est bien parce qu’il y a des burgers, des frites et des glaces quand on en veut, mais il y a des gens, beaucoup trop de gens. Je repars donc en quête de nature et de solitude, du moins je l’espère.

C’est un vœu pieu, mais je le savais un peu d’avance. Il s’agit d’un des trésors de la Croatie, un parc national (ici 150 kuna – avec la réduction de mon hôtel – mais le billet donne accès à tous les accès du parc et à ses points d’intérêt) fait de lacs et de cascades.

Je suis vite désarçonné par la forme du parc, étiré en longueur, avec des chemins de randonnée par-ci par-là, mais l’impossibilité de marcher durant des heures, seul dans la nature : il faudra soit prendre le bateau, soit la voiture.

Je commence donc par une petite promenade de quelques kilomètres, proche de l’entrée Sud du parc (Lozovac). Nous marchons en grande partie sur un chemin aménagé sur pilotis, au milieu des lacs et des cascades. Le décor est fabuleux mais malheureusement la magie n’opère pas : observer des cascades en suivant des gens sur un chemin débutant à 20 mètres d’un arrêt de bus, ça gâche tout le plaisir. On se suit, on attend quand les gens prennent des photos… donc on s’arrête et on prend les mêmes photos… Par moment ça bouchonne… en particulier devant la cascade-star du parc, les chutes de Skradin. Un petit musée à propos des moulins peut être visité.

Voir ces paysages, ce devrait être la récompense d’une dure journée de randonnée, de montées et de descentes, le plaisir d’être seul into the wild ou alors entouré de quelques randonneurs aventuriers ou ne serait-ce qu’un peu courageux.

Ce n’est pas une totale déception car c’est vraiment beau. Mais ces photos, sur lesquelles j’ai fait de mon mieux pour exclure les humains dans la mesure du possible, ne sont pas le reflet de mon expérience :

Trace GPS : Lien Strava (5km, 220m+).

Après cette petite escapade entourée de gens, je prends donc la voiture pour visiter d’autres parties du parc. L’expérience sera ici meilleure, je croise moins d’humains. J’arrive au centre du parc, où l’on peut observer les chutes de Roški slap et la Grotte d’Ozidana pecina. Dans cette zone, il y a des possibilités de randonner (à vue de nez une dizaine de kilomètres). Pour atteindre la grotte, il faut gravir 517 marches. Les fouilles y ont confirmé la présence humaine à l’époque néolithique (céramique imprimée) et aux âges du bronze. L’homme y a habité de manière continue de 5000 à 1500 avant notre ère. C’est aujourd’hui un repaire de chauves-souris, mais on peut y observer une collection d’objets archéologiques.

J’ai ensuite repris la route vers le Nord en direction du monastère de Krka, ouvert aux visites. On peut également faire un petit tour facile dans le parc qui l’entoure. Ce monastère est mentionné dans des documents de 1402. Une église de style byzantin est ouverte aux visites, de même que d’anciennes catacombes romaines au sous-sol.

Finalement, la journée se remplit bien malgré l’absence d’un grand chemin de randonnée. Me voici sur la route du site archéologique de Burnum, toujours un peu plus au Nord. On y trouve les restes d’un camp militaire romain du Ier siècle, créé par Claude et agrandi par Vespasien. On peut aussi observer le seul amphithéâtre militaire romain de la Croatie.

Enfin, je termine la journée par la visite de la forteresse de Knin. Je ne sais pas si elle fait partie du Parc National de Krka, apparemment non, mais je suis entré à l’œil en esquivant la réception (ce fut sans doute possible car il commençait à se faire tard). Sa construction a commencé au IXème siècle, l’état actuel date du XVIIIème siècle. C’est la deuxième plus grande du pays. Comme souvent en Croatie, son histoire est complexe : elle est passée entre les mains des rois croates, des Vénitiens, des Ottomans, des Français, des Autrichiens, des Yougoslaves… Une exposition sur le conflit yougoslave était ouverte lorsque je l’ai visitée (on y voit notamment la cravate, symbole du pays, ensanglantée « This tie is croatian », Boris Ljubicic, 1991, et un soldat enfoncé dans la neige comme moi en juin dernier dans le Queyras).

Il ne me reste plus qu’à profiter une nouvelle fois du soleil couchant sur la route, le temps de rejoindre la région de Split, objet de la visite de demain.


J6 : Visite de Split et de Klis

Avec les visites de Split (deuxième ville du pays) et de la forteresse de Klis, une nouvelle incursion parmi mes congénères humains se prépare.

Bien évidemment, c’est la vieille ville de Split qui m’intéresse, et le Palais de Dioclétien, un des palais de l’Antiquité tardive les mieux conservés. On arrive dans le Palais sans s’en rendre compte, car la ville y est complètement intégrée (remparts, rues, villa, cathédrale Saint-Domnius…).

L’ensemble est donc plus majestueux et impressionnant que Zadar. En revanche… Non mais les gens c’est pas possible, je ne m’y fais pas. Il y en a partout, c’est la marée humaine dans le péristyle, le marché pour touristes dans les souterrains est embouteillé (mais j’ai quand même pu voir ce qui semblait être un sénateur romain s’y déplacer, entouré de sa garde…). Et dire que c’est pire en juillet-août, j’aurais fait un AVC à coup sûr.

La ville abrite aussi un musée Game of thrones, la Croatie étant fière d’avoir accueilli le tournage de la série.

A une petite demie-heure de voiture du centre de Split (où j’étais garé dans un parking à 1 euro de l’heure), je rejoins la forteresse de Klis. C’est la plus importante du pays. Signifiant « la clef », elle domine la ville de Split. Son histoire commence au IIème siècle avant Jésus-Christ, du temps des Illyriens. Au Moyen-Âge, elle devient un des centres du pouvoir des rois croates. Elle résista aux attaaques des Avars, des Slaves et des Ottomans jusqu’en 1537, date à laquelle elle tomba aux mains des Turcs. Elle est ensuite libérée par les Vénitiens qui la fortifient. Son apparence actuelle nous provient du temps de l’occupation de l’Empire austro-hongrois. En résumé, elle suit un peu l’histoire de la forteresse de Knin. Plus récemment, la forteresse a vu marcher sur ses pierres la reine Daenerys : elle a abrité la ville de Meereen.


J7 : Le Parc National de Plitvice

Le périple s’achève avec la visite du parc le plus célèbre de Croatie, les lacs de Plitvice. Il est difficile de dire s’il est préférable d’arriver par l’entrée 1 ou par l’entrée 2, les avis divergent sur internet. Etant plus proche de la 2, j’ai donc expérimenté celle-ci. Ce qui est sûr, c’est qu’il faut y aller le plus tôt possible pour éviter la horde de touristes…

Le parc est en effet métastasé par l’espèce humaine, tout comme la cascade de Skradin à Krka. Comme toujours, il est possible d’éviter les embouteillages de piétons en optant pour la promenade la plus longue et la plus exigeante : le parcours K, d’environ 18 kilomètres, qui permet de voir l’essentiel du parc, et de prendre un peu de hauteur afin de pouvoir observer de jolis panoramas.

Je vous conseille la lecture de cet article « Ce paradis croate est-il en danger ? » qui explique les dérives liées au tourisme dans la région. Pour limiter le phénomène, le prix des billets d’entrée a augmenté (250 kuna pour une journée en haute saison, sans le parking, soit tout de même plus de 30 euros), et le nombre d’entrées par heure est limité pour juguler les flux. Aussi, si vous vous pointez en juillet-août, je vous conseille de réserver à l’avance sur internet (au minimum 48 heures à l’avance) pour éviter une mauvaise surprise.

Trace GPS : Lien Strava (18km, 450m+).

 

Finalement, en prenant le parcours le plus long, j’ai pu assez bien vivre cette industrialisation de la nature, seuls les points d’intérêt communs à plusieurs parcours étaient pris d’assaut.

Ce parc doit être vraiment intéressant à visiter en plein hiver, lorsque les eaux sont prises dans les glaces. D’après ce que j’ai lu, il n’y a quasiment personne, mais tous les sentiers ne sont pas accessibles…

 


Conclusion

La Croatie est un pays magnifique qui mérite son succès, jouissant d’une situation entre mer et montagnes. Il a donc de quoi contenter tout le monde. Et le monde, c’est bien là le problème, du moins mon problème, vous l’aurez compris. Ce n’est pas une surprise puisque je suis parti dans un pays à la mode. Ce n’est pas non plus un regret, puisque j’ai pu gambader au milieu de paysages somptueux. Mais il y a un sentiment de déception que je ne peux pas ne pas évoquer. On traverse des lieux magiques, dans lesquels la magie a malheureusement disparu du fait de cette touristification. C’est dommage car une aura particulière devrait se dégager de ces lacs turquoises et de ces « lieux de mémoire » bien préservés. Ne me faites donc pas dire ce que je n’ai pas dit : compte-tenu des flux humains traversant le pays, les Croates ne s’en sortent pas trop mal pour préserver les paysages.

En le visitant, on ressent aussi que ce pays a été fortement marqué par les conflits. Par les conflits anciens d’une part, car on peut observer sur la route nombre d’anciens forts, en ruines ou bien conservés. Par les conflits récents d’autre part, avec un drapeau croate partout fièrement érigé, des chars et autres engins militaires exposés… mais aussi des maisons en ruines, aux abords des villes et encore plus dans les campagnes reculées, dans lesquelles on entre comme dans un autre monde, loin des Ferraris que l’on peut croiser dans les métropoles touristiques.

Pas de grands exploits sportifs donc durant ce modeste périple (à part un peu le J3 !). Je pense que c’est en partie lié à la petite taille du pays – on est loin des grands espaces américains – et à la gestion des parcs nationaux (qui permettent quand même une gestion raisonnée de la « nature »). De plus, j’ai quand même eu la volonté de pouvoir voir les plus beaux paysages, dont les accès ont été (malheureusement ?) facilités par les aménagements humains. Difficile de partir à l’aventure dans cette optique. Pour autant, je n’ai pas visité tout le pays et encore moins tous ses espaces naturels, qu’ils soient dans des parcs nationaux ou non. Les régions de Velebit et d’Učka ont apparemment du potentiel. Lors d’un voyage d’une semaine, tout est question de choix.

Ah et une dernière chose. Ce qui contribue aussi au succès de la Croatie, c’est la météo. Septembre, soleil, 30 degrés. Finalement, dans ces conditions, tenter des randonnées ultrasportives n’aurait pas permis ma survie. C’est aussi ce qui me fait dire que c’est un beau pays, mais qui n’est pas fait pour moi (vous me direz, on subit désormais le même fléau en Picardie. Greta, au s’cours !)


Remerciements

L’équipe d’A&R remercie les Esclaves de Séli, sans qui cette expédition n’aurait pas pu être possible. Nous remercions également Air France d’avoir pris la relève pour le vol du retour : quand les Français prennent les choses en main, tout se passe quand même mieux : on est partis et arrivés en avance, et aucun bébé n’a pleuré durant le vol. Et les charmantes hôtesses parlaient dans une langue compréhensible (le français).