10 – 18 janvier : la Pré-Mort 2017


Vous vous apprêtez à lire un récit de voyage qui vous emmènera en terre de far west, à travers l’Arizona, ses canyons, animaux sauvages, lacs et monuments. L’impréparation notoire des protagonistes n’est pas feinte, mais rassurez-vous, tout ceci est parfaitement habituel pour eux. Ce récit est principalement écrit pour nous, afin de garder une trace de ces bons moments, mais nous avons pensé qu’il pourrait être agréable pour nos proches et amis. Les photos sont libres et utilisables à loisir à toute fin non commerciale.

 

Chapitre I. Une arrivée difficile à Phoenix

Tout commença lors d’une banale soirée d’hiver, lorsque Ju confia à Bi qu’il songeait réaliser l’ascension du Machu Picchu en janvier. Ce dernier affirma alors être « intéressé ». Quelques semaines plus tard, les deux compères se retrouvèrent donc à l’aéroport de Phoenix, en Arizona.

Depuis septembre, Ju vit au Canada où il poursuit sa prestigieuse carrière d’ingénieur dans l’informatique. Bi, déserteur de l’Education Nationale, se reconvertit dans le domaine des transports, débutant une formation Taxi en février. Plus besoin d’attendre des vacances scolaires pour s’enfuir !

En l’espace de quelques jours, la destination a en effet quelque peu évolué. Il est apparu qu’une expédition péruvienne méritait plus qu’une seule semaine d’exploration. Le choix s’est donc reporté sur les Etats-Unis. En de nombreuses heures de discussions concentrées sur une petite semaine, une bonne partie des Etats ont été passés en revue, et le Sud a été sélectionné (coût des vols intéressant, conditions climatiques tolérables pour avoir accès à des randonnées en plein hiver…). Après avoir planifié une semaine de randonnées au Nouveau-Mexique, c’est finalement, en toute logique, que fut sélectionné l’Arizona.

L’exploration scientifique et humaniste BiJu a fait face à de nombreuses pressions : le prix des avions a doublé en un jour, la validation de la réservation de Bi a d’abord échoué pour des raisons obscures, puis le vol concerné a été affiché « complet ». Enfin, une tempête de neige toucha Toronto le jour du départ de Ju, retardant de plusieurs heures son arrivée à Phoenix. Le 10 janvier vers 23h55 heure locale, BiJu étaient enfin sur place !

 

Chapitre II. Une journée sur l’Apache Trail il y a un siècle

11 janvier – L’Arizona, terre légendaire des westerns et lieu symbolique de la ruée vers l’or américaine. Nous ne pouvions pas commencer notre périple sans un aparté historique sur le célèbre “Apache Trail”. Ce chemin nous mènera de Goldfield, ville emblématique des pionniers de l’or, jusqu’au parc du Lost Dutschman et l’Apache Lake.

Peu avant la ville fantôme de Goldfield, les Arizoniens ont rendu hommage à Elvis. Une statue est présente sur l’autel !

 

L’Elvis Presley Memorial Chapel, dans le Superstition Mountain Museum : de nombreux films ont été tournés au pays des Apaches !

 




Goldfield

La ville fantôme de Goldfield fut fondée en 1892 afin d’héberger les chasseurs d’or. Si les mines n’ont fourni de l’or que jusqu’en 1997, la ville fut restaurée et accueille désormais les visiteurs désireux de s’imprégner de l’ambiance d’antan.

Parmi les curiosités de la ville, on retrouve les spectacles de tireurs et les commandements des Cow Boys :
1.   Seulement un dieu
2.   Honore ta mère et ton père
3.   Ne propage pas de rumeurs ou de potins
4.   Présente-toi aux réunions du dimanche
5.   Rien ne passe avant dieu
6.   On ne fricote pas avec la femme des autres
7.   On ne tue pas
8.   Attention à ce que tu dis
9.   Ne prend pas ce qui ne t’appartient pas
10. Ne lorgne pas sur le bien des autres

Ça met dans l’ambiance.


Une bonne bière dans le saloon de Goldfield

 

Lost Dutschman Park

Après nous être rendus dans un lieu emblématique du Fil Rouge de cette aventure (le saloon), nous nous sommes rendus dans le parc du Lost Dutschman, lieu supposé de la plus célèbre mine d’or perdue de l’Amérique. Le département du tourisme de l’Arizona affirme que plus de 8000 hommes et femmes tentent encore de localiser la mine chaque année.

Les cactus

Cet épisode fut l’occasion de la première rencontre de Ju avec les cactus. Les cactus se trouvent soit en bord de chemin, soit couchés sur le chemin, ou encore bien plus fourbe : sous forme de bouts de cactus cachés au milieu du chemin. Inutile de dire que Ju a expérimenté ces trois formes à de multiples reprises.

Le cactus est une plante formidable. Intégralement recouvert d’épines de différente taille : plus on s’approche du centre, plus les épines sont petites et fines. Inutile de préciser que lorsqu’on marche franchement sur un cactus, on passe par tous les stades :
–    Le hurlement et les vociférations (« * biiiiiiiiiiiiiiiiiiiiip * »)
–    L’abattement (« Argl ! J’ai 23 épines plantées dans la jambe »)
–    Encore plus d’abattement (« AAAAH !!! 23 grosses épines et 50 petites et je n’ai pas de pince à épiler !! »)
–    La reconstruction (Enlever les épines les unes après les autres en pestant)

La première attaque des cactus sur Ju

Contrairement à Bi qui a soigneusement évité la majorité des pièges tendus par les cactus, Ju s’est retrouvé lacéré au niveau des bras, des jambes, et des pieds. (Car oui, marcher sur un cactus transperce la chaussure, ce qui pose des défis pour retirer ladite chaussure quand des épines s’y sont logées, ainsi que dans votre pied !)

En randonneurs expérimentés, BiJu s’aspergent abondamment d’antiseptique à chaque lacération, ce qui prouve qu’ils sont responsables et prudents.

Apache Lake

Nous prenons la route vers l’Apache Lake et découvrons les paysages grandioses de l’Arizona. Notre Jeep est intacte et propre (pour combien de temps encore ?). Afin de nous plonger dans l’ambiance du Grand Ouest, nous écoutons une radio country !

 

L’Apache Lake :

 

Le Lac Apache est un lac artificiel construit pour réguler le flux d’eau et permettre au sud de l’Arizona de survivre.
Un peu plus au Nord se trouve le lac Théodore Roosevelt et son énorme barrage :

 

 

Le barrage Roosevelt, construit entre 1906 et 1911, puis amélioré dans les années 1990

 

Notons que pour aller observer ces deux réservoirs, nous avons été confrontés à ce panneau, ce qui nous a rappelé quelques souvenirs islandais. Courageux, nous avons décidé de poursuivre le chemin jusqu’à son terme !
C’est parti ! Les choses sérieuses commencent ! En route sur le sable et les cailloux !

L’Etat entier est un désert où les ressources en eau sont rares, les barrages en sont une composante indispensable. Le lac offre de jolis points de vue, et le retour vers Phoenix nous a offert une une scène emblématique des déserts américains de nuit.

 

Chapitre III. Les Monts de la Superstition : BiJu attaqués par un monstre

12 janvier – La deuxième partie de notre périple s’annonce beaucoup plus sportive que la première : finis la Jeep et le confort des hôtels, nous partons dans la forêt nationale de Tonto avec notre tente et nos gourdes d’eau !

Combat contre l’administration américaine

Nous arrivons de bon matin à l’entrée de la réserve naturelle, et là, premier rebondissement : un grand panneau annonce qu’un permis est requis pour entrer dans le parc. Évidemment, BiJu ne s’étaient pas encombrés de ce genre de détails. Ju appelle le numéro de téléphone sur la pancarte :

–    Ju : « Nous venons de rentrer dans un parc euh.. quelque part et il y a un panneau qui dit que nous avons besoin d’un permis ! Help? »
–    Employée : « Oh oui, il suffit d’aller sur le site du Arizona State Land Department et de payer en ligne et vous aurez votre permis ! »

Nous nous exécutons, et là, surprise : impossible de s’enregistrer avec une adresse canadienne ou française. Nous rappelons le numéro.

–    Employée : « Ah euh.. Je me renseigne. *le temps passe* bon ! Si vous n’avez pas d’adresse américaine, vous devenez venir au siège du State Land Departement pour qu’on vous donne un permis ! »
–    Ju : « Mais c’est à 1h de route d’ici !! On ne peut rien faire par téléphone ? »
–    Employée : « Non, vous devez venir pour obtenir un permis. »

Résignés et frustrés, nous remontons dans la voiture et rentrons vers Phoenix. Ju peste et rumine qu’on aurait dû mentir et fournir l’adresse de l’hôtel, mais nous étions déjà partis.

Arrivés dans le siège de l’administration, on nous indique un bureau où nous expliquons notre situation. Réaction des employés :

–    Employés : « Ah… euuuh.. ben.. si vous n’avez pas d’adresse américaine, ça ne va pas être possible ici ! Ça pourrait fonctionner au service en face, mais il faut payer en espèces. »
–    Ju (agacé) : « Je n’ai pas d’espèces. »
–    Employés : « Très bonne nouvelle ! Il y a un distributeur à 300 mètres ! »

(Super.)

Nous retirons l’argent et nous rendons auprès de l’autre service… qui se contente d’encaisser l’argent et de se retrouver bloqué à l’étape de l’adresse non américaine. L’employée se contentera de mettre l’adresse de notre hôtel. 🙂 Quelle magnifique entrée en matière !

Superstition Wilderness Area

« Restez sur les chemins »… On a des têtes à randonner sur des vrais chemins, nous ?

La forêt de Tonto s’étend sur 12 000 kilomètres carrés et comprend quelques chemins de randonnée. Il ne s’agit pas d’une simple forêt, mais d’un parc naturel protégé renfermant de nombreux animaux sauvages ainsi que de majestueuses montagnes et canyons appelés « Red Tanks » en raison de leur couleur. Nous avons prévu d’y passer trois jours. La “Superstition Wilderness Area” (parc fédéral des Monts de la Superstition) forme une sorte d’enclave au coeur de la forêt de Tonto.

Le parc est extrêmement vallonné et nous marchons souvent à flanc de montagne. Il est également rempli de cactus, pour le plus grand plaisir de Ju.

 

 

Parfois, les cactus semblent communiquer ensemble…

 

De temps en temps, nous croisons des aménagements humains, au milieu de nulle part…

 

La problématique des mouchoirs

Les défis de la randonnée ne sont pas nécessairement ceux que l’on anticipe de prime abord. Ici, nos deux aventuriers resteront enrhumés durant tout le séjour, rien de tel qu’une semaine de camping pour se requinquer !

Le problème est mathématique : Bi se mouche 10 fois par heure, et ce 24h/24 pendant 3 jours. Les compères ne croiseront aucune poubelle du début de la randonnée jusqu’à la fin. Chaque mouchoir usagé et tassé occupe un espace d’environ 3 centimètres carrés. Combien de poches du sac à dos doivent être allouées au stockage des mouchoirs ?

Réponse : on espère que le sac entier sera suffisant à l’issu de la randonnée.

Inutile de préciser que seulement 3 choses remplissaient Bi d’allégresse durant ce séjour :
–    La vue d’un canyon au coucher du soleil
–    Un vendeur de paquets de mouchoirs
–    Des poubelles



Une nuit d’horreur

Le reste de la journée se passera sans encombre, malgré les éternelles recherches de chemin (BiJu suivant des randonnées non balisées, et surtout non officielles où il est parfois nécessaire de se frayer un chemin à travers des cactus ou des rivières en crue).

La situation se complique à la tombée de la nuit lorsque, comme souvent, nos protagonistes tentent de progresser à la lampe frontale. Il fait nuit noire depuis une demi-heure et nous cherchons désespérément un passage qui nous permettra de progresser vers le nord de Tonto. Toutes nos tentatives sont des échecs : la rivière que nous suivons depuis plusieurs heures présente un cul de sac et le reste des chemins est recouvert de cactus et de buissons denses. Il reste un dernier chemin à essayer en désespoir de cause.

La progression à la lampe frontale dans la nuit noire et dans la nature est toujours quelque chose d’éprouvant psychologiquement : on perd toute notion du temps, on prend conscience que l’on est perdu au milieu de nulle part (à une journée de marche du moindre signe de vie, dans notre cas), nos téléphones n’ont plus de réseau depuis le matin.

C’est dans cette atmosphère que Ju décide de suivre un énième chemin ronceux. Il n’avancera pas longtemps : soudain, sa lampe frontale éclaire deux points brillants. Deux grand yeux écartés qui le fixent dans le noir. Tout est silencieux, le temps est suspendu et la scène dure quelques secondes. On essaie de relativiser la découverte en espérant que ce soit un lapin, mais le cerveau humain ne fonctionne pas comme ça. BiJu ont beau être coutumiers de ce genre de situations (Voir le célèbre épisode de la vache en Corse) la situation est jugée trop incertaine. Ju fait demi-tour, et un débat a lieu :

–    « Il y a un truc qui me regarde la haut ! On essaye de trouver un autre chemin ? »
–    « Ok ! »

(Courageux mais pas téméraires)

Ils repartent donc à la recherche d’un chemin parallèle, mais la situation n’est pas rassurante : des bruits se font entendre dans les buissons, ce qui a vite raison de la motivation des aventuriers. Décision est prise de rebrousser chemin et de planter la tente pour la nuit. Nous y verrons plus clair demain.

Nous sommes dans les montagnes recouvertes de cactus et les endroits où nous pouvons planter notre tente sont rares. (nous n’en croisons pas toutes les heures de marche). Miraculeusement, et malheureusement, nous en croisons un à 15 mètres de là. A 15 mètres des grand yeux lumineux. Tant pis, nous sommes trop fatigués de toute façon. Nous plantons la tente, mangeons rapidement et allons-nous coucher. Tout ceci pendant que nous entendons des mouvements dans les buissons alentours. Rassurant.

Nous sommes sous la tente depuis 5 minutes, à l’affût des bruits et des monstres lorsque retentissent des cris effroyables juste à côté.

Il faut imaginer que nous sommes au milieu de canyons, et que le cri résonne de manière terrifiante.

–    Ju : « Je sens qu’on va passer une bonne nuit ! 🙂 »
–    Bi : « 🙂 »

BiJu essaient de se rassurer « ça peut être un oiseau, non ? » « de toute façon, ils ne nous laisseraient pas camper ici si c’était dangereux ! » « On a plus de réseau depuis ce matin, on fait quoi s’il y a un problème ? »

Et les cris effroyables repartent de plus bel, encore et encore.

Finalement, la fatigue eut raison du groupe qui s’endormit et se réveilla sain et sauf le lendemain (enfin, Bi se réveilla sauf mais pas sain, et n’a pas vraiment dormi non plus, écrasé par une partie du tipi et malmené par sa grippe). Il faudra attendre deux jours pour rechercher l’animal à partir de son cri, et de comprendre que nous étions confrontés à un puma.

Notre tipi, monté dans le noir, présente une drôle d’allure au petit matin…

Un retour difficile

13 janvier – La dernière journée de marche fut aussi magnifique qu’éprouvante pour Bi. La progression à travers les forêts de cactus et l’absence de chemin défini des heures durant s’avère compliquée à gérer. Les jambes et les bras de Ju sont maintenant intégralement lacérés. Heureusement, l’antiseptique coule à flots ! En revanche, ce qui ne coule pas à flots, c’est l’eau : Ju a eu la magnifique idée d’acheter un produit à base de protéines et de chanvre à diluer dans l’eau pour nous donner des forces… on a donc l’impression de boire du sable… et ce “sable” bloque l’arrivée d’eau de la gourde de Bi. “C’est encore plus mauvais que de l’eau”, selon Bi. C’est dire.

Le soleil se lève sur notre camp de fortune…

Nous arrivons tant bien que mal à une intersection où deux chemins se dessinent. Nous avons un choix à faire : raccourcir la marche d’un jour, ou continuer le parcours initial ? Un consensus se dessine rapidement. Bi est malade et a mal dormi, l’absence de chemin en montagne est éprouvant et parfois dangereux et nous ne nous revoyons pas camper au milieu des monstres ce soir.

Grand bien nous en a pris, le chemin alternatif s’avère être spectaculaire : nous nous enfonçons dans un énorme canyon rouge. La progression reste éprouvante et le chemin montagneux où nous circulons offre souvent des corniches à flanc de falaise passablement dangereuses. Nous nous retrouvons régulièrement face à des dilemmes : le vide ou les cactus ? Les jambes de Ju témoignent des décisions adoptées.

 

Une fois que nous nous rapprochons à nouveau de la civilisation, des panneaux réapparaissent… certaines semblent vouloir nous éloigner de notre chemin, mais nous ne tombons pas dans ce genre de pièges…

Comme d’habitude, nous finissons la journée à la lampe frontale par des montées interminables. La fin de la randonnée se révèle être un calvaire pour Bi. Ses jambes tiennent cette fois le coup, mais pas sa santé générale. Advil, Prontalgine et Actifed ont ce jour-là du mal à enrayer la fatigue liée à la fièvre. Plus le temps passe, plus l’incertitude gagne du terrain : nous sommes censés descendre vers la voiture, or, nous ne faisons que monter encore et encore, dans le noir. Bi est à la traîne et sa lampe frontale n’éclaire quasiment plus, les piles semblent grippées elles aussi. Finalement, fiévreux et tremblotant, Bi rejoint Ju sur le parking. Dans un tel état, sera-t-il possible de ne réaliser ne serait-ce qu’une seule randonnée dans les prochains jours ? Bi prend un nouveau Prontalgine, et confie à Ju ne même pas avoir envie de boire une bière ce soir, suscitant l’étonnement de ce dernier. Le voyage est-il sur le point de basculer ?

Notre trace GPS durant ces deux jours – 33,75 km ; dév.+ 1058 m.

 

Chapitre IV. Vers le Nord : Flagstaff, Antelope, Colorado River Horse Shoe…

14 janvier – Le début de nos aventures s’est déroulé dans le sud de l’Arizona, il est donc temps de faire route vers le Nord, vers le Grand Canyon et vers les terres Navajo. Le programme de la journée est chargé (Route 66, Horseshoe Bend, Antelope Canyon et rejoindre le Grand Canyon pour préparer la randonnée du lendemain) mais l’absence de grande randonnée à pieds a aussi pour but de permettre à Bi de guérir spontanément de sa grippe. Et c’est ce qu’il s’est passé dans une certaine mesure, puisque l’automédication à tout-va a permis d’enrayer la fièvre (mais pas le rhume, le crachage de poumons, et la surconsommation de mouchoirs).

Au bout de quelques heures le temps devient apocalyptique : tempête de pluie, de neige et brouillard. Nous poursuivons notre progression pendant encore quelques heures vers Antelope Canyon en territoire Navajo.

Comme en France le même jour, le Nord de l’Arizona subissait l’assaut de l’hiver !

Le peuple Navajo

Comme le savent les habitués de ce site, BiJu ne sont pas coutumiers des avis péremptoires sur la nature humaine, ni des généralisations. Ceci étant dit, nous avons été victimes d’un harcèlement caractérisé de la part du peuple Navajo dans son ensemble tout au long de ce voyage.

Les Navajo appartiennent aux « Premières Nations » (natifs américains) et sont apparentés aux Apaches, ce qui semble noble de prime abord, mais qui ne justifie pas l’entreprise de déstabilisation dont nous avons fait les frais tout au long de notre voyage dans le nord-est de l’Arizona.

Nous n’écartons pas la possibilité que les 5 heures de route que nous avons subi POUR NOUS VOIR REFUSER L’ACCÈS À ANTELOPE CANYON PARCE QUE LE GUIDE NAVAJO ESTIMAIT QUE LE TERRAIN N’ÉTAIT PAS PRATICABLE AUJOURD’HUI ET QU’IL FAUDRAIT REVENIR LE LENDEMAIN pourraient avoir légèrement atteint notre objectivité. Ni le fait qu’un autre guide Navajo nous demande plus de $100 pour nous faire visiter le canyon concurrent en nous balançant un « et ce n’est pas négociable ».

Les allusions à la flemme des Navajo d’honorer les visites des lieux dont ils ont la charge deviendra une blague récurrente jusqu’à la fin du voyage. La visite d’Antelope Canyon est finalement reportée à demain, il faudra refaire la route.

Horseshoe Bend

Le lac Powell se trouve entre la frontière de l’Utah et de l’Arizona, un point remarquable de sa rive étant « Horseshoe Bend » : un canyon à la forme de fer à cheval dans lequel une branche du lac apparaît avec des couleurs improbables. Une photo parlera bien mieux que nos explications ici.

Nous prenons la route vers le Grand Canyon où un hôtel nous attend. Bi n’ayant quasiment pas dormi depuis plusieurs jours, il faut en effet qu’il puisse se reposer pour affronter les prochaines randonnées. La montée est incertaine, il neige beaucoup, les voitures que nous suivons sont hésitantes, certaines patinent sur le côté. Bi, lorrain au volant, poursuit son chemin et arrive au Village du Grand Canyon.

C’est donc une nouvelle soirée d’automédication, avec des cachets et gélules rapportés de France et du Canada. Parmi eux, des pilules bleues censées guérir l’état grippal et aider à trouver le sommeil. L’utilisation de ce “viagra” deviendra une nouvelle plaisanterie récurrente lors de ce voyage. La chambre étant réservée pour deux nuits consécutives, Bi les dispose malicieusement sur sa table de nuit, pour faire parler les femmes de ménage (qui ont sans doute autre chose à faire que de s’amuser de cela, mais qu’importe !).

La pilule du bonheur canadien, qui décongestionne les poumons de Bi la nuit (enfin un peu). Pour mettre toutes les chances de notre côté, nous écoutons aussi un chant de guérison Navajo.

 

Chapitre V. Une journée en territoire Navajo

15 janvier – Au lendemain de cette journée pluvieuse, nous repartons vers le Nord de l’Arizona, bien décidés à visiter l’Antelope Canyon, si les Navajos qui en ont la gestion n’en décident pas autrement. Le temps est assez nuageux, mais plus clément que lors de la première tentative.

En revanche, il a neigé sur les routes du Grand Canyon toute la nuit, et la DDE américaine ne semble pas s’être activée outre mesure. Après quelques kilomètres, nous tombons sur une route barrée dangereusement, car indiquée au dernier moment dans le brouillard. Il y a bien un autre itinéraire, mais il rajoute 1h15 de route… Après quelques réflexions (mais en réalité nous n’avons pas le choix), nous prenons donc la route alternative, en direction d’Antelope Canyon, un lieu qu’une étrange force mystique semble souhaiter nous empêcher de visiter. Mais nous sommes coriaces !

Antelope Canyon

Antelope Canyon est d’un genre totalement unique : composé d’amas de sable cristallisé par le soleil au fil de milliers d’années, le “canyon faille” (par opposition aux canyons en altitude) est une merveille dans son genre. La position du soleil dans le ciel en fait changer la couleur tout au long de la journée.

Le lieu porte ce nom en raison des troupeaux d’antilopes qui venaient y boire lorsque le canyon était inondé. Il fut découvert par une bergère Navajo il y a près de 100 ans.

La galerie de photos décrira beaucoup mieux que nos mots le lieu. Le guide Navajo est un obsédé des appareils photos, et « vole » l’appareil de Ju à plusieurs reprises, pour réaliser quelques clichés supplémentaires.

 

Voyez-vous l’ours sur cette photo ? Selon le guide Navajo, il est clairement visible.

 

 

Le Navajo a de l’humour : il a pris les deux photos ci-dessus, et parle d’un « coucher de soleil » lorsque l’on passe de l’une à l’autre… Bien bien bien…

 

 

Ici, on verrait un lion en haut…

Route vers Monument Valley

Une fois sortis du trou des antilopes, direction l’Utah et son Monument Valley. Nous avons déjà beaucoup roulé aujourd’hui, et il reste encore environ 5 heures de route devant nous. De plus, il ne faut pas arriver devant les célèbres rochers après le coucher du soleil. Ju a aujourd’hui le volant et prend vite conscience qu’il est nécessaire d’accélérer la cadence. Nous traversons donc les déserts et progressons entre les montagnes à grande vitesse (l’essence est moins taxée qu’en France, après tout !).

Nous arrivons à Kayenta, à une vingtaine de kilomètres de l’Utah. Le soleil est toujours debout, nous avons hâte d’arriver dans ce haut lieu mythique de l’Amérique. Soudain, Ju déclare : “Heu, je vois des gyrophares, j’espère que ce n’est pas pour moi…” …

C’était pour lui. Le shérif R. Smith est à notre poursuite depuis plus de 2 miles et intime à Ju l’ordre de tourner à droite au prochain feu rouge et de s’arrêter. Le groupe est partagé entre la stupeur de se faire arrêter, et l’excitation de cette expérience typique où un shérif poursuit la voiture tous gyrophares allumés au milieu des montagnes rouges de l’Arizona, tout en hurlant dans son mégaphone pour que nous nous rangions sur le côté !

Shérif R. Smith : “ARRÊTEZ VOUS IMMÉDIATEMENT”
Shérif R. Smith : “NON PAS ICI, VOUS ÊTES AU MILIEU DE LA ROUTE”
Shérif R. Smith : “MAINTENANT VOUS TOURNEZ A DROITE ET VOUS VOUS ARRÊTEZ”
Shérif R. Smith : “ARRÊTEZ VOUS !!!”

Nous avons décidé d’adopter une approche conservatrice à base de repentance et de plaider la non habitude des vitesses en miles (totalement indéfendable parce que notre compteur était en miles, mais bon.)

Le Shérif arrive tel un cowboy et demande à Ju comment il va. Un échange de politesse s’en suit, jusqu’à la traditionnelle intimidation : “je vous poursuis depuis 2 miles. Enfin j’essaie, vu votre vitesse.” (nous allions à la vitesse hallucinante de 90km/h sur une route toute droite à plusieurs voies). Nous la jouons profil bas de manière suffisamment convaincante pour écoper de l’amende minimum du code de la route américain : $135.

Détail amusant : Ju écope également d’une convocation au tribunal 20 jours plus tard pour se défendre suite à sa violation relevant du code civil. Passée la stupeur, il s’avère qu’il s’agit d’une procédure standard pour n’importe quel délit aux Etats-Unis : On vous fournit une convocation que vous pouvez ignorer si vous décidez de solder le litige en payant l’amende. Ouf.

Nous repartons, Ju ayant promis au shérif de faire attention aux panneaux indicatifs. Mais ? On est en panne ? Ah non, Ju roule à 40 mph… Mais c’est horrible !! Nous progressons à nouveau, mais très lentement, vers Monument Valley, franchissant la frontière de l’Utah. Le temps est correct mais assez nuageux, et le haut des principaux rochers est caché par le brouillard. Après quelques difficultés, nous localisons le centre des visiteurs de Monument Valley, où quelques randonnées sont proposées. Nous envisageons d’en faire une petite pour dégourdir nos jambes. L’entrée est payante, il est 16h40, un panneau indique qu’il faut un guide à partir de 17h… La motivation n’est pas à son comble. Nous rebroussons chemin et prenons quelques misérables photos depuis la route. Il fait froid, le soir tombe, le ciel se couvre de nuages.

Un peu refroidi par son amende, et peu motivé pour rouler à vitesse réduite, Ju laisse le volant à Bi pour retourner vers le Grand Canyon, lieu de la randonnée du lendemain (puisque le temps s’y améliore).
Toutes les lumières intérieures de la Jeep se sont allumées irrémédiablement, ce qui agace Ju, qui entreprend de résoudre le problème et abandonne temporairement son rôle de copilote, laissant Bi aux mains d’un GPS totalement débile. Nous voici sur une piste Navajo (encore eux !) en terre boueuse. Bi est un peu inquiet, se remémorant le sort de la Suzuki islandaise. Ju s’en contrefout, il veut éteindre les lumières. Nous progressons dans le sable, puis la boue… Ju estime qu’il y aura une belle route “tout de suite après”. Les lumières s’éteignent enfin, mais le GPS a toujours la tête en l’air, et nous emmène dans un camp Navajo où un chien nous apostrophe. Nous faisons demi-tour, puis tournons sur des pistes similaires une vingtaine de minutes, croisant quelques pick-ups à la peine dans le sable humide. Finalement, nous parvenons à nous extirper sans dommages de ces routes indiennes, mais la voiture a changé de couleur.

Nous reprenons la longue route vers le Grand Canyon, à vitesse réduite. Mais c’est vite le drame : malgré une journée ensoleillée, la route normale du retour est toujours fermée, il faut à nouveau repasser par Flagstaff, et rajouter plus d’une heure de trajet… ce qui aura vite raison des bonnes résolutions de Bi en matière d’usage du régulateur de vitesse anti-shérif. Nous retrouvons notre hôtel pour un sommeil bien mérité, d’autant plus que la journée de demain sera chargée.

Les bières locales du Grand Canyon… C’est bien connu, Bi préfère les blondes !

 

Chapitre VI. Le Grand Canyon


16 janvier – Comme prévu par la météo, le temps est favorable pour une expédition au Grand Canyon. Nous nous levons avant l’aube (Bi : mais quelle horreur !) pour pouvoir observer les rayons du lever du soleil se refléter depuis le Mather Point. Au pas de course, nous arrivons sur place à temps, et là, c’est le choc : le Grand Canyon s’étend à perte de vue, sa majestuosité et sa magnificence ne sauraient être décrites ni par des mots, ni par des photos (en gros, vous êtes obligés d’y aller, désolé). Nous vous présentons tout de même quelques clichés :

Après un petit déjeuner hors de prix à proximité du point de vue, il est temps d’aller commencer la randonnée. Se rendre au point de départ du « Bright Angel Trail » est déjà un bon échauffement, puisqu’il faut parcourir 4,8km. Chemin faisant, nous passons sur le « Trail of Time » au bord duquel sont exposés des échantillons de roches datant de différentes époques géologiques.

Soudainement, première surprise : à mi-chemin du départ du trail, nous croisons des biches se montrant peu farouches.

Après ce tendre spectacle qui s’est offert à nous, surgissent les premières inquiétudes quant à la suite de la journée. Il s’avère que Ju a plus le vertige que prévu, et il n’ose pas s’approcher du bord. Or, Bi a à l’esprit des images (consultées sur internet) de la randonnée prévue : cela risque d’être compliqué. Arrivé au début du trail, les chemins sont gelés et glissants. Après un débat (selon Bi, il faut avancer un peu, et ça ira !), Ju parvient à vaincre ses hésitations, et la randonnée commence.
Le « Bright Angel Trail » s’avère être un chemin bien différent de ceux des randonnées des jours précédents. D’abord, il n’est pas possible de se tromper (il n’y a qu’un chemin, sinon c’est le vide), il n’est pas trop accidenté, et est assez régulier.

La descente prendra environ trois heures (un peu plus de 10km pour près de 1200 mètres de dénivelés), Bi souhaitant « économiser » ses jambes, étant « un peu » inquiet par la remontée.

En chemin se trouvent quelques points de ravitaillement en eau (non ravitaillés en hiver), des toilettes, et des postes téléphoniques d’urgence. Nous laissons passer des rangers sur leurs mulets qui transportent des provisions pour les campeurs en bas du canyon.

 

Ju avant de partir : « Il n’y a pas besoin de prendre beaucoup d’eau, il y a des points de ravitaillement en chemin« . On voit ça ! Mais heureusement, il ne fait pas chaud, nous ne mourrons donc pas de soif ce jour-là.

 

 
A plus basse altitude, nous retrouvons nos copines les biches…

 

Nous avançons jusqu’au « Plateau Point » qui offre une vue panoramique sur le fleuve Colorado en contrebas. L’heure avance (il ne reste plus que 3-4 heures avant le coucher du soleil), aussi nous nous inquiétons à propos de notre heure de retour (mais de toute façon, nous avons nos lampes frontales). Nous croisons alors la route d’un curieux personnage. Cet homme de 65 ans se montre très optimiste (la montée serait plus rapide que la descente) et bavard : un dialogue entre lui et Ju commence alors pendant près d’une heure (cet homme de 65 ans aurait vécu 15 années en Alaska où il aurait construit des cabanes sans eau ni électricité courante, en fumant du cannabis). Bi se tient à l’écart, estimant ne pas avoir subi avions et aéroports pour parler à des gens, parlant l’américain qui plus est !). Quoiqu’il en soit, le spectacle de la nature est magnifique, et un écureuil se joint à notre groupe. Il tente de voler de la nourriture dans le sac de Ju, qui, non rancunier, lui en donne un morceau.

Il est l’heure de remonter le canyon, et nous décidons de semer le curieux personnage. Mais ce dernier n’était pas sénile : il s’avère qu’en effet, la remontée d’1,2km de dénivelé est relativement aisée (enlevez « relativement » pour Ju). Boosté par un mélange de placebo d’électrolytes, Bi parvient à suivre son camarade, il faut dire qu’il n’est plus fiévreux. Le seul problème restant est la gestion de la poubelle de sac, à raison d’une dizaine de mouchoirs par heure. Mais nous arrivons en haut, avant le coucher du soleil, et nous découvrons une poubelle : joie, bonheur, allégresse. Encore une heure de marche vers la voiture, et cette randonnée est une nouvelle réussite inespérée ! Bi n’a toujours pas mal aux jambes, Ju semble guéri de son vertige : tout cela reste à confirmer pour le dernier jour !

Les dernières photos du Grand Canyon, prises durant la remontée :

 

Notre trace GPS de la rando du Grand Canyon – 20,56 km (+9,6 km en jaune !) ; dév.+ 1189 m.

Nous prenons alors la route pour Sedona, au Sud de Flagstaff, où nous faisons une étape dans un des meilleurs restaurants de la ville selon Tripadvisor. Les ribs déçoivent Ju, qui n’ose boire sa bière car nous apprenons alors par les tenanciers qu’il ne faut pas conduire avec plus de 0,08% d’alcool dans le sang et que l’Arizona est un des États les plus répressifs vis-à-vis de l’alcool au volant. Bi va mieux, mais la guérison n’est pas encore totale, il n’arrive pas à achever la bière de Ju.

 

Chapitre VII. Sedona ou le rebondissement imprévu

17 janvier – Après avoir dépouillé le distributeur de mouchoirs de la chambre d’hôtels, BiJu se remettent en route pour la dernière randonnée prévue dans la région de Sedona. Pour le dernier jour complet aux Etats-Unis, c’est une randonnée “facile” qui est prévue : une trace Wikiloc d’une douzaine de kilomètres, de moins de 800 mètres de dénivelé positif, a priori sur des chemins balisés. De quoi profiter sereinement des beaux rochers rougeoyants de Sedona avant de reprendre l’avion le lendemain.

N’étant pas pressés par le temps, nous passons par la “Chapel of the Holy Cross”, une église construite au coeur des montagnes de Sedona. Il faut dire que la région a l’air très mystique. Dans l’hôtel déjà, la chaîne TV régionale et les nombreuses brochures à destination des touristes mêlent prêche chrétien et voyance païenne. Quoiqu’il en soit, cette modeste église catholique présente un joli point de vue, facilement accessible.

Selon Ju le Blasphémateur, c’est Jésus qui fait pipi. Un écriteau en dessous nous indiquera qu’il s’agit en réalité de Saint François.

 

Vues depuis la chapelle (un tel dégradé sur une montagne, ça ne peut être que d’origine divine, non ?) :

 

Il est l’heure de se diriger vers le lieu de la dernière randonnée, quelques kilomètres au Nord. Après une quinzaine de minutes de route, nous débouchons de nouveau sur une “unpaved road”. Ce n’est pas la première fois, certes, mais aujourd’hui, il est clairement indiqué qu’il faut un vrai et gros 4×4. Raisonnables, nous nous garons alors sur le parking à l’entrée du parc, bien que nous ne soyons pas certains d’avoir le permis “Red Rocks Pass” adéquat. Au pire, cela fera une amende supplémentaire et cela ajoute un peu de suspense… Cela va ajouter aussi 9 kilomètres supplémentaires à la randonnée, ce n’est pas bien grave, mais nous risquons de rentrer de nuit. Equipés de nos lampes frontales mais en simples tee-shirts, nous démarrons la randonnée, une fois Bi équipé de ses mouchoirs.

Nous commençons alors la marche, sur une route large mais qui aurait été totalement impraticable avec notre SUV, nous louons donc notre sagesse de l’avoir garé sur le premier parking, car il n’aurait pas survécu. Après 4,5 km, la véritable randonnée commence sur le chemin “Cow Pies Hike”. C’est une bonne surprise, le coin étant plus spectaculaire que nous ne l’espérions, car après avoir randonné la veille au coeur du Grand Canyon, nous ne pensions plus être surpris par l’Arizona. Notre marche se poursuit sur le “Hangover Trail” (“Trail de la gueule de bois”, ça promet !), un étroit chemin censé être un parcours de VTT : il y a d’ailleurs des traces de pneus, suscitant l’incompréhension de Bi, tant le terrain semble accidenté et dangereux au bord du vide. Le vide explique que rapidement, Bi prend la tête de l’expédition, Ju se sentant un peu moins à l’aise.

Ci-dessous, une vidéo trouvée sur internet, montrant les exploits de valeureux vététistes sur une partie du chemin que nous avons pris :

Assez rapidement, la trace GPS que nous suivons nous invite à abandonner le chemin officiel pour nous engouffrer sur le rebord d’une montagne. Ju se montre d’abord sceptique, puis se rassure en voyant qu’il semble y avoir un chemin. Bi se veut rassurant, puisque, de toute façon, quelqu’un a déjà fait cette randonnée et l’a postée sur Wikiloc. Après quelques photographies sur un beau point de vue, nous nous remettons donc en route. Mais sur le rebord de la montagne, le chemin ne semble qu’intermittent, comme le montre notre passage sur le rebord de la montagne :

Notre trace GPS (via Wikiloc) sur le flanc de la montagne…

Le vertige semble reprendre Ju en otage, qui est en plus équipé de chaussures glissantes, alors que les roches sont par endroit détrempées. Bi part en éclaireur pour vérifier que le chemin se poursuit suite à ce passage, et revient vers Ju pour le convaincre de poursuivre. Après quelques négociations, l’équipe se remet en route, mais le chemin escarpé débouche une nouvelle fois sur du vide.

Bi va mourir !

 

Il reste moins de trois heures de jour, et progresser sur ce type de chemin ne semble pas raisonnable. Mais heureusement, il semble que la suite de la marche se déroule en contrebas. On aperçoit d’ailleurs d’en haut des chemins qui descendent vers une route. Nous décidons donc de poursuivre, mais le chemin se retrouve vite recouvert de ronces et autres pièges.

Nous arrivons à nouveau sur un chemin “officiel” (bien que non entretenu). Deux choix s’offrent à nous : partir vers l’Est, ce qui était prévu au départ, et poursuivre notre randonnée à l’aspect très incertain. Bifurquer vers l’Ouest, sur un chemin tout aussi incertain, mais plus proche d’une route que nous pourrions rejoindre si le chemin devenait impraticable, surtout de nuit. Prudents, nous choisissons la seconde option. La suite montrera que la prudence n’est pas toujours mère des meilleures décisions (proverbe bitesque).

Après un ou deux kilomètres de march… escalade, nous arrivons devant le fleuve Oak Creek, que nous sommes censés traverser à un endroit précis pour rejoindre le chemin d’en face. Il faut croire que c’est une randonnée d’été, car le fleuve est très large, relativement profond et assez animé : vraisemblablement pas de quoi se noyer, emportés par le courant, mais tout de même ! Ju envisage de le traverser, espérant ne se mouiller que les jambes (il retrouve un optimisme utopique puisqu’il n’est plus au bord du vide), mais Bi propose de trouver un passage alternatif (il aime la natation, mais se retrouver trempé et gelé alors que sa grippe n’est toujours pas totalement guérie ne lui parait pas pertinent).

L’Oak Creek, cauchemar du jour !

Nous repartons donc, en quête d’un gué ou d’un pont. Mais désormais, nous sommes en “total freestyle”, ni sur la trace GPS Wikiloc, et encore moins sur un chemin officiel. Nous traversons une forêt de ronces, munis de notre antiseptique. Puis nous arrivons selon le GPS sur l’ “Old Indian Road”, qui correspond sur le terrain à des gros cailloux sur lesquels crapahuter… mais le jeu en vaut la chandelle, au bout de cette route, nous sommes censés découvrir un pont ! Nous arrivons au coeur d’un camp de mobile homes, traversons le pont, rejoignons la route, en quête de la suite de notre randonnée… mais nous nous apercevons vite que le chemin sur lequel nous nous retrouvons nous emmène à nouveau vers le fleuve, qu’il faut traverser en sens inverse ! Nous décidons de poursuivre (avons-nous réellement le choix ?), assez sceptiques quant à l’idée de nous retrouver à nouveau face à l’Oak Creek. Nous redescendons donc vers le fleuve, croisant des panneaux nous invitant à ne pas provoquer les ours et à prendre garde aux serpents.

Encore proches de la civilisation, nous croisons deux marcheuses nous indiquant qu’il est possible de traverser le fleuve plus bas en ôtant nos chaussures. Confiants, nous arrivons devant le fleuve, et il s’avère que la traversée est en effet possible en ne se trempant que les chevilles. Ju entreprend la traversée, suivi de Bi, puis part en éclaireur, et rapporte une mauvaise nouvelle : il ne s’agit là que d’un bras du fleuve, il y a encore un cours d’eau à traverser, qui semble plus profond et avec plus de courant. Nous décidons alors de remettre nos chaussures et de remonter vers la route, rallongeant la marche, mais alors que le soleil commence à se coucher, c’est sans doute le seul moyen d’avoir un chemin viable vers notre parking.

Nous marchons donc au bord de la route jusqu’à Sedona. Les voitures sont peu coopératives et préfèrent nous frôler plutôt que d’enfreindre les lignes jaunes. Nous arrivons sur un pont évidemment interdit aux piétons, à l’entrée duquel se trouve un numéro de téléphone SOS Suicides. Nous courrons sur l’ouvrage, Bi n’ayant toujours pas mal aux jambes (mais que se passe-t-il ?).

Ce chemin routier n’est sans doute pas le plus agréable, mais ne se révèle pas si long. Nous assistons au coucher de soleil sur les parois des montagnes rouges de Sedona, un spectacle qui nous prouve une nouvelle fois que la Nature n’a pas besoin de Photoshop pour se révéler grandiose.

Depuis la route, vue sur l’Oak Creek, qui semble si paisible de loin :

 

Une fois dans Sedona, ce n’est plus qu’une formalité. Le soir tombe. Équipés de nos lampes frontales (élément nécessaire à toute randonnée BiJu), nous rejoignons notre parking et notre voiture, qui n’a pas été décorée d’un PV malgré nos craintes. Bilan : un peu plus de 21 kilomètres, près de 700 mètres de dénivelé positif, une expérience bien plus compliquée que prévue le matin même, mais des souvenirs et des paysages magnifiques plein la tête !

ENFIN ! Nous retraversons l’Oak Creek sur un pont à Sedona !

 

 

Notre trace GPS de la rando de Sedona (Red Rocks) – 21,26 km ; dév.+ 675 m.

Il est encore tôt, nous nous dirigeons vers Camp Verde pour nous rapprocher de Phoenix d’où nos avions décolleront le lendemain. Pour fêter nos victoires (aucun abandon ni demi-tour de la semaine), nous faisons halte dans un sympathique restaurant italien, avant d’embrasser Morphée une dernière fois en Arizona, Bi s’aidant de ses pilules du bonheur.

Et voilà, le dernier jour est déjà arrivé. Une semaine à un tel rythme passe très vite. Il est temps d’aller rendre la voiture à l’agence de location de l’aéroport. Nous sommes plus sereins qu’en Islande, aucun morceau de la voiture n’étant tombé sur la route cette fois-ci. Pourtant, dès notre arrivée, on nous adresse une nouvelle facture en échange de la remise des clefs (c’est donc une tradition lors des Morts). Bi interroge Ju, l’employée ayant, elle aussi, la fâcheuse habitude de parler anglais. 63 dollars supplémentaires pour frais de nettoyage (souvenirs de la piste Najavo, voir ci-dessus). Ju tente de négocier, indiquant n’avoir rien lu de tel dans le contrat. Mais la méchante employée d’Alamo (d’ailleurs, aurait-elle des ascendances Navajo ?) se montre intraitable. Le lendemain, il s’avérera que le compte en banque a été pillé de 162,33 dollars. Les frais répartis en deux, cela fait moins mal qu’en Islande, mais tout de même, un passage chez l’Éléphant Bleu de Phoenix aurait été moins coûteux…

Épilogue

Synthèse de Bi

Better Caul Saul, à Phoenix aussi !

Un nouveau voyage court mais intense ! Je suis parti dans l’idée de voir des paysages majestueux et de me retrouver dans la nature et les déserts, et je n’ai pas été déçu. Découvrir les montagnes rougeoyantes, les déserts de cactus et les multiples canyons a été impressionnant, même après avoir consulté les images souvent photoshopées sur Internet depuis un mois. Une fois encore, la réalité a dépassé la fiction, et il est difficile de décrire ce que l’on peut ressentir devant tant de grandeur.

Autre grande nouvelle, j’ai échappé cette fois à la malédiction des blessures et maux de jambes et genoux. L’absence de souffrance est vraiment agréable ! La grippe et la fièvre ont certes perturbé les premières randonnées, mais j’ai réussi à suivre malgré tout. Nous n’avons donc renoncé à rien, mise à part la visite-éclair de la ville de Bagdad où nous avions prévu de prendre un selfie avec un chapeau de cowboy, mais c’était trop loin pour notre planning chargé, sachant que la neige au Nord de l’Etat nous avait déjà fait faire beaucoup de détours. Nous sommes passés sur la Route 66 autour de Flagstaff, mais sans avoir emprunté ses points les plus typiques : on ne peut pas tout faire en une semaine ! Enfin, nous ne sommes pas restés longtemps en ville, mais en parcourant les longues avenues et les autoroutes de Phoenix, j’ai enfin vu de mes yeux une métropole américaine et “l’étalement urbain” avec ses banlieues aux rues perpendiculaires, le genre de choses dont je parlais à mes élèves il n’y a encore pas si longtemps.

Vue de Phoenix depuis l’avion, le soir de l’arrivée.

Je n’ai évidemment pas profité du voyage pour parler anglais, mais j’ai réussi à me débrouiller et à trouver mes avions dans les aéroports et leurs “Flights connections”, ce qui me permettra de moins stresser lors des préparatifs des prochaines Morts ! Bon, on repart quand, et où ? “Je veux revoir les montagnes, Julian, les montagnes ! Et trouver un endroit paisible, où je puisse finir mon livre…”


Synthèse de Ju

On repart quand ?

Bi et Ju
© A&R et JuCorp
Janvier 2017.